Règle numéro 1 : toujours se méfier des apparences. Avec son deuxième roman, Fais-le pour maman, François-Xavier Dillard nous plonge dans les méandres d'un esprit fou. Un thriller à glacer le sang.


Fais-le pour maman ~ François-Xavier Dillard

Quatrième de couverture :
Au début des années 70, Sébastien, 7 ans, vit seul avec sa soeur adolescente, Valérie, et leur mère. Cette dernière arrive tant bien que mal à joindre les deux bouts, occupant un job ingrat qui lui prend tout son temps et toute son énergie. Une dispute de trop avec sa fille, et c'est le drame familial. Valérie survivra à ses blessures mais la police ne croit pas à la version de la mère : elle accuse son petit garçon d'avoir blessé sa soeur. Elle sera condamnée à cinq ans de prison.
Des années plus tard, alors que sa soeur vit dans un institut spécialisé et que sa mère n'est jamais reparue, Sébastien est devenu un père et un médecin exemplaires... Mais de mystérieux décès d'enfants parmi ses patients annoncent le retour funeste des voix du passé...

Mon avis :
En commençant ce roman, on imagine rapidement l'intrigue : un petit garçon frappé par l'injustice, luttant toute sa vie pour se reconstruire puis rattrapé de nouveau par la violence. C'est en tout cas ce que l'auteur nous incite à croire tout au long de la lecture. Et pourtant...

Fais-le pour maman est un savant mélange entre des scènes à la violence extrême à vous hérisser les poils et les émotions de plusieurs personnages offrant un aller simple au coeur de la folie. Le tout imbriqué dans un jeu de pistes que l'auteur a construit pour le seul plaisir de balader son lecteur. C'est intelligent et surprenant, on se prend le final en pleine tronche et on s'amuse de s'être fait ainsi berner. Un thriller pour ceux qui aiment les sensations fortes et les faux-semblants.

Fais-le pour maman de François-Xavier Dillard, Pocket, 2016, 311 pages

Des fillettes de 6 ans habillées en habits de poupée pour leur dernier voyage : un fait divers qui émeut la Norvège et met la police au bord des nerfs. Je voyage seule est un polar froid et implacable, mais malheureusement assez prévisible.


Je voyage seule ~ Samuel Bjørk

Quatrième de couverture :
Seule, pour son dernier voyage... C'est ce qu'indique la pochette autour du cou de la fillette, assassinée et accrochée à un arbre avec une corde à sauter. Un crime odieux qui laisse toute la Norvège sous le choc et décide le commissaire Holger Munch à rappeler son ancienne collègue, Mia Kruger.
Car il le sait : si une personne peut l'aider à résoudre cette enquête, c'est bien elle. Ce qu'il ne sait pas en revanche, c'est que, sur l'île d'Hitra où elle s'est recluse, la jeune femme compte les jours avant son suicide. Mais il est des crimes qui ne laissent pas indifférent. Et il suffira à Mia d'observer les photos de la fillette pour comprendre ce qui avait échappé à tous : il y aura d'autres victimes, beaucoup d'autres...

Mon avis :
Mettons d'office les pieds dans le plat : j'ai eu du mal avec ce roman. Du mal d'abord, parce qu'imaginer des fillettes de 6 ans pendues à un arbre avec une corde à sauter fait hurler de douleur ma sensibilité de maman. Du mal ensuite, parce que j'ai été peu convaincue par le personnage de Mia Kruger. Une femme au bord du gouffre, au langage évidemment grossier et accro au régime alcool-médicaments, mais qui grâce à une mystérieuse acuité mentale, parvient à comprendre en un claquement de doigts ce sur quoi la brigade entière sèche, c'est un peu fort de café. Du mal enfin, parce que j'ai vu venir tout le déroulement de l'intrigue et que ce roman ne m'a pas surprise.

A côté, on trouve quelques ingrédients d'un polar efficace : une intrigue rythmée, qui partait du bon pied, une volonté claire de l'auteur de brouiller les pistes, un criminel complètement grillé du cervelet et Holger Munch, un commissaire aussi attachant que sa collègue est agaçante. Malheureusement, cela ne m'a pas suffit et j'ai donc peiné à trouver du plaisir dans cette lecture. C'est bien la preuve que tous les polars scandinaves ne se valent pas.

Je voyage seule de Samuel Bjørk, Pocket, 2016, 567 pages

Il commet l'insoutenable et s'en tire toujours indemne : avec Prendre Lily de Marie Neuser, bienvenue dans l'antre du diable.


Prendre Lily ~ Marie Neuser

Quatrième de couverture :
Une mère de famille retrouvée assassinée dans sa baignoire, les doigts comme un écrin renfermant deux mèches de cheveux. Le corps d'une étudiante coréenne abandonné la nuit dans un quartier désert. Et des jeunes femmes qui témoignent : leurs cheveux coupés net, tandis qu'elles vivent, marchent, respirent dans une petite ville balnéaire d'Angleterre qui ne connaît pas les débordements.
Non loin de la salle de bains de Lily Hewitt vit Damiano Solivo. On le donnerait le bon Dieu sans confession si ce n'étaient ces déviances auxquelles il s'adonne en secret. Mais son épouse peut le jurer : Damiano est innocent. Damiano est même victime. Victime, oui : de la complexité d'une machinerie sociale et judiciare qui sait comment on façonne les monstres.

Mon avis :
En ouvrant Prendre Lily, préparez-vous à faire connaissance avec le diable. Un diable mou et onctueux, mythomane, qui crie à l'acharnement judiciaire alors que toutes les preuves l'accablent. Un diable aussi glissant qu'une savonnette, qui passe entre les mailles de tous les filets qui lui sont tendus. Un diable qui donne la nausée.

La nausée, c'est ce qu'éprouve également le narrateur, un des policiers chargés de l'enquête sur la mort de Lily Hewitt. Cette investigation va le miner, l'obséder jusqu'à devenir le centre de sa vie. Durant des années, il s'acharne à démontrer la culpabilité de Damiano Solivo, il s'insurge contre l'injustice de voir un tel monstre ressortir en homme libre après chaque garde à vue.

La force du roman réside justement dans l'acharnement du narrateur, sans qui le récit serait plus ennuyeux. Je l'ai en effet trouvé un peu long et sans grande surprise, surtout à la fin. Mais en y réfléchissant bien, il s'agit peut-être d'une manoeuvre de l'auteur pour faire ressentir à son lecteur tout l'accablement qui pèse sur le narrateur. Et si c'est le cas, c'est bien joué.

Le préquel de Prendre Lily, Prendre Gloria, a paru en janvier 2016 chez Fleuve Noir. J'attendrai sa sortie poche mais je suis curieuse de retrouver ce Damiano Solivo dans sa jeunesse.

Prendre Lily de Marie Neuser, Pocket, 2016, 561 pages

L'île de Jersey occupée par les nazis : c'est un sombre épisode de la Seconde Guerre mondiale, tombé dans les oubliettes de l'histoire. Avec Churchill m'a menti, Caroline Grimm réveille les mémoires.


Churchill m'a menti ~ Caroline Grimm

Quatrième de couverture :
C'est une histoire vraie et oubliée.
Celle de l'île de Jersey, abandonnée par Churchill en juin 1940, envahie par les Allemands deux mois plus tard. Comment vont survivre les habitants de l'île livrés à l'ennemi ? Pour qui les nazis font-ils construire les seuls camps de concentration de l'Europe de l'Ouest ? Des centaines de Français y seront déportés. Pourquoi Churchill n'en a-t-il jamais parlé ? Ces années de lutte, l'auteur les raconte en suivant le quotidien palpitant de personnages qui n'ont eu d'autre choix que de collaborer avec l'occupant ou de résister.
Un roman poignant sur un chapitre ignoré de la Seconde Guerre mondiale.

Mon avis :
Comme elle l'explique dans une note en préambule de son roman, Caroline Grimm y aborde un épisode de la Seconde Guerre mondiale qui a volontairement été occulté par les Anglais et a donc disparu des livres d'histoire. Même si son récit est une fiction, il est basé sur des personnages et des faits réels et l'auteur a pris le temps de se documenter de manière très précise sur cette période, comme en témoignent les nombreuses notes qui aggrémentent le roman. J'ai été bouleversée de découvrir la situation des îles britanniques pendant la guerre, tout comme je l'avais été par celle de la Crète à la lecture de La jeune fille sous l'oliver de Leah Fleming.

Churchill m'a menti est un roman choral : on y suit plusieurs personnages, qui ont chacun la parole l'un après l'autre. Cette construction permet à l'auteur de nous donner plusieurs points de vue sur l'occupation nazie : celui de ceux qui ont choisi de résister comme de ceux qui préfèrent courber l'échine et collaborer malgré eux. En étant au plus près du vécu des personnages, on ressent aussi leurs émotions puissance mille, ce qui rend le roman particulièrement bouleversant. Je crois bien que tous les protagonistes m'ont touchée d'une manière ou d'une autre, comme c'est rarement le cas.

Pour autant, ce roman m'a séduite par la pudeur et la dignité qu'il dégage. Caroline Grimm a beau aborder une époque dramatique qui a détruit des vies entières, elle ne commet pas l'erreur de tomber dans le pathos larmoyant. Une raison de plus pour découvrir ce livre sans plus tarder.

Churchill m'a menti de Caroline Grimm, Le Livre de Poche, 2016, 276 pages