Lors de la dernière rentrée littéraire, La septième fonction du langage a tout de suite attiré mon attention pour deux raisons : la première, c'est son auteur, Laurent Binet, dont j'avais adoré le premier roman HhHH. La seconde, c'est parce que ce nouveau livre tournait autour de la vie et de l'œuvre de Roland Barthes. Il n'a pas déçu mes attentes, loin de là.



La septième fonction du langage de Laurent Binet, quand burlesque et insolence donnent un roman génial
Roland Barthes est l'une des grandes figures du paysage intellectuel français de la deuxième moitié du 20ème siècle, qui a beaucoup travaillé sur le langage, et plus particulièrement sur la sémiotique, c'est-à-dire l'étude des signes. J'ai pas mal étudié ses ouvrages tout au long de mes études, et notamment ses fameuses Mythologies qui m'ont toujours plu.

Quand j'ai reçu La septième fonction du langage dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire (#MRL2015) organisés par Priceminister, j'étais donc ravie, et je n'ai pas été déçue.

Un pastiche de roman policier à la sauce Barthes
Dans ce roman, le point de départ est simple : et si Roland Barthes, décédé le 26 mars 1980 après avoir été renversé par une camionnette quelques semaines plus tôt alors qu'il sortait d'un déjeuner avec François Mitterrand (à l'époque candidat aux présidentielles), avait été assassiné pour avoir tenté de garder secret un manuscrit caché qui aurait pour effet de rendre n'importe quel discours immédiatement convaincant ?

Cette intrigue peut fortement rappeler Le nom de la rose d'Umberto Eco, et cela n'est pas innocent. Car dans ce roman loufoque et insolent, Laurent Binet s'amuse à détourner les codes du roman policier et d'espionnage en mettant en scène un flic réac accompagné d'un jeune professeur d'université de gauche, chargés d'enquêter au sein de l'intelligentsia parisienne. On y croise des personnages fictifs comme réels, dont certains font encore partie de la scène intellectuelle et politique passée et actuelle : Louis Althusser, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Philippe Sollers, Bernard Henri-Lévy, Umberto Eco, François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing, Jack Lang, Laurent Fabius et j'en passe.

L'auteur met en scène tous ses personnages dans des situations cocasses, voire souvent burlesques, le tout avec un ton plein d'humour et d'insolence, sur fond de références bien documentées aux œuvres de Barthes et des grands intellectuels de l'époque. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé la porosité entre la réalité et la fiction avec laquelle Laurent Binet s'amuse beaucoup.

Je vous préviens néanmoins : La septième fonction du langage peut être clairement déroutante pour le lecteur qui lirai ce roman au premier degré. Il faut bien comprendre que cet ouvrage est le terrain de jeu de Laurent Binet qui a cherché à s'amuser avec le courant structuraliste et sémiologique, le roman policier et d'espionnage et toute cette galerie de personnages fictifs et réels au potentiel burlesque fort prononcé. Lisez donc ce livre comme un jeu, sinon il vous déplaira. Pour ma part, je trouve le cocktail plutôt réussi.

La septième fonction du langage de Laurent Binet, Grasset, 2015, 495 pages

Cela faisait plus de 3 ans que je ne m'étais pas replongée dans les aventures d'Eva Svärta et Alexandre Vauvert ! Il était temps de reprendre le train en marche et de lire le dernier tome de la série : La mort en tête.


Après les terribles événements qui clôturaient le seconde tome de la saga, Le premier sang, Alexandre et Eva font toujours équipe, en uniforme comme à la ville : pour construire leur vie de couple, Alexandre passe tous les week-end chez Eva, enceinte de quatre mois. Tout pourrait aller pour le mieux si elle n'était pas appelée sur une sombre affaire de d'exorcisme qui a mal tourné, provoquant la mort d'un enfant. Là, elle rencontre un journaliste vedette, Dorian Barbarossa, qui brûle la vie par les deux bouts depuis qu'il a reçu une balle dans le crâne. Mais elle croise aussi la route d'un terrible prédateur qui n'a plus qu'une chose en tête : la traquer jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Pas de doute, tous les ingrédients qui font le succès des romans de Sire Cédric sont bien là : une intrigue à mi chemin entre réel et surnaturel, des personnages hauts en couleurs, un rythme effréné et un style nerveux qui accroche le lecteur. Sire Cédric fait là honneur à son modèle Stephen King en imaginant un psychopathe absolument incontrôlable, dans la lignée d'une Annie Wilkes (Misery) ou d'un Mr Mercedes.

Certaines scènes sont d'ailleurs assez chargées en hémoglobine, et je me suis surprise à avoir carrément peur lors d'une scène récurrente liée à la grossesse d'Eva. Au vu des cauchemars qui m'ont prise, croyant clairement mon bébé menacé, ce malaise me fait dire que La mort en tête n'est pas forcément le meilleur choix de lecture quand on est enceinte.

Malgré tout, cette fois-ci, la magie a moins opéré qu'à l'accoutumée : je commence à me lasser de Svärta et Vauvert, de leur insubordination, de leur incapacité de traiter avec quiconque qu'eux et leur collègue et de leur instinct de flic qui ressemble de plus en plus à une grosse ficelle mal dissimulée. La mort en tête a beau être un thriller efficace mettant en scène un psychopathe intéressant (car totalement flippant), je reste sur ma faim.

La mort en tête de Sire Cédric, Pocket, 689 pages, 2015